L’affaire concerne deux prêts viagers hypothécaires consentis par le Crédit Foncier de France en 2007 et 2010. Les héritiers de l’emprunteur ont engagé une action en nullité des prêts pour vice du consentement, estimant que le bien hypothéqué avait été surévalué.

1. Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 juin 2022 sur plusieurs points importants.

2. Points clés de la décision

2.1. Publicité des demandes en justice

La demande d’annulation d’un prêt viager hypothécaire n’est pas soumise à l’obligation de publicité prévue par les articles 28 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955.

2.2. Prescription de l’action en nullité pour erreur

  • Le point de départ du délai de prescription quinquennale est le jour où le contractant a découvert l’erreur qu’il allègue.
  • La cour d’appel aurait dû rechercher à quelle date l’emprunteur avait pu avoir connaissance du vice dans toute son ampleur.

2.3. Erreur déterminante du consentement

  • En matière de prêt viager hypothécaire, l’évaluation à dire d’expert du bien hypothéqué est nécessairement déterminante du consentement de l’emprunteur.
  • La cour d’appel a commis une erreur en considérant que la surévaluation du bien n’était pas une erreur déterminante.

2.4. Prescription de l’action en recouvrement du prêteur

  • Le délai biennal de prescription pour l’action du prêteur court à partir du moment où il a connaissance de l’identité des héritiers de l’emprunteur.
  • La cour d’appel aurait dû se prononcer sur cette question de prescription.

3. Implications pour les experts en estimation immobilière

3.1. Importance de l’évaluation expertale

L’arrêt souligne le caractère déterminant de l’évaluation expertale dans le cadre d’un prêt viager hypothécaire.

3.2. Responsabilité de l’expert

Une surévaluation significative du bien peut entraîner la nullité du contrat de prêt.

3.3. Délai de contestation

Les experts doivent être conscients que la découverte d’une erreur d’évaluation peut intervenir longtemps après l’expertise initiale, notamment lors de l’ouverture d’une succession.

3.4. Rigueur méthodologique

L’arrêt rappelle indirectement l’importance d’une méthodologie rigoureuse et transparente dans l’évaluation des biens immobiliers.

4. Conclusion

Cet arrêt apporte des précisions importantes sur le régime juridique du prêt viager hypothécaire, notamment en ce qui concerne la prescription et le caractère déterminant de l’évaluation du bien. Il souligne l’importance cruciale de l’expertise immobilière dans ce type de contrat et la responsabilité qui en découle pour les experts.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 19 juin 2024, 22-20.533 22-21.719