La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2022 a rendu une décision pour clarifier la charge des frais de dépollution en cas de fin de bail : ils incombent au dernier exploitant, même quand celui-ci n’est pas directement responsable de la fin de cette exploitation.
L’arrêt portait sur un litige concernant une indemnité d’éviction suite au non-renouvellement d’un bail commercial pour une station-service. Les principaux enjeux portent sur :
- La prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’éviction
- L’évaluation du montant de l’indemnité, notamment les frais de réinstallation
- La prise en charge des frais de dépollution du site
Points clés de la décision
a) Sur la prescription : La Cour confirme que la délivrance de l’assignation interrompt le délai de prescription biennale, même si l’enrôlement au tribunal intervient après ce délai.
b) Sur les frais de dépollution : La Cour casse partiellement l’arrêt d’appel en considérant que les frais de dépollution ne doivent pas être inclus dans l’indemnité d’éviction. Elle rappelle que ces frais incombent au dernier exploitant de l’installation classée, indépendamment du bail. C’est un point crucial pour l’évaluation des indemnités dans le cas de sites potentiellement pollués.
c) Sur les frais de réinstallation : La Cour soulève une possible erreur d’appréciation de la cour d’appel concernant la charge de la preuve des frais de réinstallation. Elle rappelle que c’est au bailleur de prouver que le préjudice est moindre, et non au locataire de justifier l’impossibilité de reprendre une station existante.
Implications pour l’expertise immobilière
Cet arrêt souligne plusieurs points importants pour les experts immobiliers :
a) La nécessité de bien distinguer les différents postes de préjudice dans l’évaluation d’une indemnité d’éviction, en particulier pour les activités pouvant entraîner une pollution du site.
b) L’importance de justifier précisément les frais de réinstallation, en tenant compte des spécificités du marché local et de l’activité concernée.
c) La prudence nécessaire dans l’évaluation forfaitaire de certains postes (comme les frais de « changement d’image » mentionnés ici), qui doivent être clairement distingués des coûts réels de réinstallation.
d) L’attention à porter à la charge de la preuve dans l’évaluation des différents éléments du préjudice.
Voire étude plus complète de Maitre Nicolas BOULLEZ, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.