L’affaire concerne le recours de Mme [I] contre la décision de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel d’Aix-en-Provence rejetant sa demande d’inscription sur la liste des experts judiciaires dans les rubriques relatives à l’immobilier.

1. Décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation annule partiellement la décision de l’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 4 novembre 2022, en ce qu’elle a refusé l’inscription de Mme [I].

2. Justifications de la décision

2.1. Erreur manifeste d’appréciation concernant les besoins des juridictions

La Cour de cassation considère que l’assemblée générale a commis une erreur manifeste d’appréciation en se fondant sur les besoins des juridictions pour rejeter la demande de Mme [I]. Elle justifie cette position par :

  • L’inscription concomitante de trois autres candidats dans les mêmes rubriques.
  • L’application de l’article 8, alinéa 1er, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, qui interdit le refus d’inscription motivé par l’absence de besoin en cas d’inscription d’autres candidats sous la même rubrique.

2.2. Erreur d’appréciation concernant le conflit d’intérêts

La Cour de cassation estime que l’assemblée générale a également commis une erreur manifeste d’appréciation en invoquant un conflit d’intérêts lié à l’activité d’administration de copropriétés de Mme [I]. Elle justifie cette position par :

  • L’application de l’article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004, qui prévoit qu’une personne ne peut être inscrite que si elle n’exerce aucune activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice des missions d’expertise.
  • Le constat que l’activité d’administrateur de copropriété ne constitue pas, en soi, l’exercice d’une activité incompatible avec l’indépendance nécessaire à l’exercice de missions judiciaires d’expertise.

3. Implications pour les experts en estimation immobilière

3.1. Compatibilité des activités professionnelles

Cette décision clarifie que l’activité d’administrateur de copropriété est compatible avec la fonction d’expert judiciaire en matière immobilière, ce qui élargit le champ des professionnels pouvant prétendre à cette inscription.

3.2. Critères d’appréciation des demandes d’inscription

L’arrêt souligne que les cours d’appel doivent évaluer les demandes d’inscription sur des critères objectifs, sans se fonder uniquement sur les besoins perçus des juridictions ou sur des présomptions de conflit d’intérêts non justifiées.

3.3. Importance de l’indépendance

La Cour réaffirme l’importance de l’indépendance des experts judiciaires, tout en précisant que cette indépendance doit être appréciée de manière concrète et non présumée en fonction de l’activité professionnelle principale.

4. Conclusion

Cet arrêt de la Cour de cassation apporte des éclaircissements importants sur les critères d’appréciation des demandes d’inscription sur les listes d’experts judiciaires, particulièrement dans le domaine de l’immobilier. Il met en évidence la nécessité d’une évaluation objective des candidatures, sans discrimination basée sur l’activité professionnelle principale du candidat. Pour les experts en estimation immobilière, cette décision ouvre potentiellement de nouvelles opportunités pour ceux exerçant des activités connexes comme l’administration de copropriétés, tout en rappelant l’importance fondamentale de l’indépendance dans l’exercice des missions d’expertise judiciaire.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 15 juin 2023, 23-60.021