J’ai déjà abordé la question de la saisie immobilière, en donnant des pistes sur « comment l’éviter« .
L’arrêt que je vous propose donne un éclairage sur la fixation de la mise à prix dans le cadre d’une saisie immobilière (Cour d’appel d’Orléans, 28 mai 2020, 19/027841).
BK est en liquidation judiciaire le 5 juillet 2002. Des biens immobiliers familaux garantissent ses dettes. Le 2 mars 2004, la procédure est étendue à ses biens. Le 17 mai 2019, le juge-commissaire à la liquidation ordonne la vente aux enchères publiques de ces immeubles… soit 17 ans plus tard !?
Au passage, la Cour rapelle l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale depuis 2015 mais souligne que « les appelants ne justifient ni même n’allèguent avoir procédé à une déclaration d’insaisissabilité des immeubles dont la vente a été ordonnée.«
Pensez donc à consulter votre notaire ou un avocat (dans son étude, à la chambre départementale, à la CCI…) avant de lancer votre activité ! Si elle bat de l’aile, il n’est jamais trop tard pour se renseigner et prendre conseil.
Je reviens au délai de 17 ans : le juge-commaissaire ne s’est pas particulièrement empressé de proposer les biens aux enchères. Je constate souvent aussi un délai de quelques années pour les cas où le débiteur ne réagit pas. Vous pouvez vous en faire une idée d’ailleurs en consultant les annonces de ventes d’actifs des liquidateurs. Un délai d’un an est souvent proposé pour une vente amiable des biens, adapté ensuite à la situation de chacun.
Dans le cas présent, la Cour relève que « les appelants n’ont jamais collaboré avec les organes de la procédure« . Par ailleurs, « les intéressés avaient une nouvelle fois manifesté leur obstruction en refusant qu’un huissier de justice puisse visiter les immeubles dont ils sont propriétaires ou qu’ils occupent pour les décrire en vue de leur vente« .
Avec une réaction à partir de 2002, période de belle progression des prix des logements anciens, une toute autre issue était possible (source : MeilleurTaux) :
Quel était le projet ? Pourquoi s’empoisonner pendant 17 ans et s’embarraser d’une procédure encore en 2020 ?
Le seul effort des appelants sera de fournir une estimation immobilière de la valeur de leur bien pour contester le prix de mise en vente.
Comment déterminer un prix de mise en vente juste pour une enchère ?
Une vente aux enchères, ce n’est pas une vente « classique », de gré à gré. L’arrêt rappelle que « prix de vente doit être fixée à un montant suffisamment attractif pour attirer le plus grand nombre d’amateurs et permettre ainsi le jeu des enchères« .
Le vendeur prend donc le risque manifeste de perdre de l’argent par rapport à une vente amiable. Cette solution ne doit arriver qu’en dernière extrémité, lorsqu’aucun acquéreur ne s’est manifesté après diffusion d’annonces. Je rappelle que le délai moyen de vente d’un bien immobilier est de moins de 3 mois en France. Dans le Finistère Sud, je constate plutôt en ce moment des ventes en moins d’un mois.
Lorsque le vendeur traine ou fait trainer par un prix déraisonnable, il apparait logique que le juge-commissaire provoque les enchères. La Cour estime que celui-ci a « justement fixé la mise à prix à un montant qui correspondant à environ la moitié de la valeur vénale des immeubles« .
Cela vous parait peu ?
- Encore une fois, il s’agit d’attirer les investisseurs ; cela ne présage pas du prix de vente final des biens.
- Un délai de 17 ans a été accordé, sans aucune coopération des appelants.
- Les estimations produites par les appelants peuvent très bien être en partie complaisantes. Les avis de valeur des agences ne les engagent pas juridiquement.
La Cour reconnait donc le travail d’estimation des biens immobiliers mais refuse de recourir à l’avis d’un expert concernant la mise à prix. Cette décision appartient au juge-commissaire, éclairé par les évaluations fournies.
Notons d’après Licitor.com que « la Chambre des Notaires conseille des mises à prix ne dépassant pas les deux tiers des valeurs d’expertise ». Si 2/3 est un maximum, la moitié de la valeur vénale semble donc une norme raisonnable.